Respecter et s’affranchir
Le milieu de la photographie d’Art n’échappe pas aux différents dictats ; au grand dam de certains cette discipline artistique, si elle est exercée comme principale activité et que l’on attend qu’elle subvienne aux besoins les plus naturels (se nourrir, se loger…), à l’instar des autres professions doit respecter certains préceptes souvent décrétés par les galeries, les prescripteurs, les librairies d’Art et maintenant aussi les réseaux sociaux ; sans quoi il peut être très difficile voir impossible de pénétrer un marché, de faire connaitre son travail, voir même de vendre.
Un exemple très personnel mais très parlant lorsqu’il y a quelques années j’ai voulu faire le tour des librairies d’Art spécialisées de la capitale afin d’y déposer le livre autoédité correspondant à ma dernière série photographique ; ce livre de format carré avait une couverture noire en papier gommé «Soft Touch » sur laquelle était inscrit le nom de la série avec un vernis brillant en épaisseur (nouvelle technologie à l’époque de vernis 3D), on avait ainsi une couverture très créative présentant un fond très doux et très mate et un titre ultra-brillant en épaisseur. Aucune des librairies spécialisées n’a accepté en dépôt mon livre, avec pour communes explications qu’un Livre photo doit avoir obligatoirement une photo sur sa couverture et pas de texte à l’intérieur sous les photographies. À la question posée : « croyez-vous qu’un livre créatif doit être un livre comme les autres? » personne n’a su répondre. S’agissant donc des livres photos, les galeries s’accordent à dire qu’il ne faut jamais sortir un livre photo d’une série pendant ou avant d’avoir fait tourner l’exposition de cette série et l’avoir fait connaître ; sans quoi les livres se vendraient peut-être mais au détriment des photos originales et du bon développement de l’artiste, la plupart des acheteurs se « contenterait » donc d’acheter un livre plutôt qu’une oeuvre, l’effort d’achat étant bien moins grand. Soit, cela peut s’entendre.
Le nombre d’Artistes photographes respectant leurs propres règles, leurs propres calendriers, leurs propres ressentis pour diffuser leur créations est assez marginale ; il est vrai que les règles édictées le sont la plupart du temps afin de procurer un résultat si ce n’est garanti mais à minima plus rapide pour l’artiste. Raymond MEEKS est pourtant le parfait contre exemple du cursus traditionnel et le parfait exemple de l’exception que l’on aime à saluer. Raymond MEEKS est un photographe Américain né en 1963 dans l’Ohio son travail photographie tend à montrer le rapport intime entre les lieux et les gens, il se pose en véritable témoin du temps et du lieu. Ses images sont d’une poésie et d’une vérité rares. Raymond MEEKS jusqu’à il n’y a pas si longtemps n’avait publier que des livres photographiques car c’était pour lui l’évidence que son témoignage n’était valide, complet et sincère que par ce mode de diffusion. Il est aujourd’hui un photographe reconnu par ses pairs et son travail est conservé dans les collections de la BNF à Paris, à la National Gallery of Art de Washington, au Musée des Beaux-Arts de Houston, au centre de la photographie Light Works à Syracuse, à la Georges Eastman House et dans de nombreuses collections de particuliers. Il est développé depuis peu par une grande galerie photo de San Francisco et son travail s’expose désormais à travers le monde, États-Unis, Japon, Italie, Hollande, Angleterre, France… J’ai eu la chance de découvrir son travail de manière plutôt traditionnelle puisqu’il fut un de mes coups de coeur de l’édition 2021 de Paris Photo. Pour ma part j’ai d’abord craqué sur un tirage de l’artiste présenté par sa galerie Américaine, à Paris Photo donc en novembre 2021 et j’ai découvert à l’inverse du plus grand nombre, par la suite ces ouvrages et n’ai pas pu non plus y résister très longtemps. De quoi tordre le coup à bien des clichés l’espace d’un instant…
https://www.casemorekirkeby.com/artists/32-raymond-meeks/overview/